Planification de la Sécurité, Évaluation de Risque et Gestion de Risque En Matière de Violence Familiale: Points de Vue des Prestataires de Services de la Nouvelle-Écosse

10e mémoire sur les Homicides Familiaux

octobre 2020

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CITATION SUGGÉRÉE :

Dufour, G. K., Crocker, D. (2020). Planification de la sécurité, évaluation de risque et gestion de risque en matière de violence familiale : points de vue des prestataires de services de la Nouvelle-Écosse. 10e mémoire sur les homicides familiaux. London (Ontario) : Initiative canadienne sur la prévention des homicides familiaux au sein de populations vulnérables. ISBN : 978-988412-41-2.

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Co-Directors  

University of GuelphCSSLRV logo

Myrna Dawson
Directrice du Centre for the Study of Social and Legal Responses to Violence,
Université de Guelph
mdawson@uoguelph.ca

Peter Jaffe
Directeur des études du Centre for Research & Education on Violence against Women & Children (CREVAWC),
Université Western
pjaffe@uwo.ca

ÉQUIPE DE GESTION 

Julie Poon, Coordonnatrice nationale de recherche
Anna-Lee Straatman, Gestionnaire de projet

TRADUCTION

Agnès Revenu

CONCEPTION GRAPHIQUE

Natalia Hidalgo, Spécialiste multimédia

Cette recherche a bénéficié du soutien du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

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Introduction

La présente étude a été réalisée dans le cadre de l’Initiative canadienne sur la prévention des homicides familiaux au sein de populations vulnérables (ICPHFPV). L’ICPHFPV, une initiative collaborative en cours, cherche à examiner de façon approfondie les protocoles, stratégies et obstacles associés à l’évaluation de risque, la gestion de risque et la planification de la sécurité dans les cas présentant des risques élevés. L’ICPHFPV cherche de plus à étudier les facteurs de risque propres aux populations autochtones; aux populations immigrantes et réfugiées; aux collectivités rurales, éloignées et nordiques; ainsi qu’aux enfants exposés à la violence familiale. 

Ce mémoire a analysé des entretiens réalisés avec des informateurs clés dans le cadre de l’ICPHFPV, plus précisément ceux de personnes travaillant dans divers secteurs liés à la violence familiale en Nouvelle-Écosse. Le but du mémoire consiste à examiner en profondeur la formation, les protocoles et les stratégies mis en place et utilisés par les travailleurs du secteur des services en Nouvelle-Écosse. 

Nous nous sommes entretenues avec 22 prestataires de services de la Nouvelle-Écosse qui travaillent avec des victimes de violence familiale ou les agresseurs dans ce domaine. Une proportion importante (41%) provenait de Halifax et de la région centrale, et près d’un quart (23%) de la région de Cap-Breton. 

DÉFINITIONS 

HOMICIDE FAMILIAL : meurtre d’un(e) partenaire intime actuel(le) ou ancien(ne), de son ou ses enfants, ou encore de tierces parties. « Partenaire intime » désigne une personne mariée, en union de fait ou impliquée dans une fréquentation amoureuse, que la relation soit en cours ou terminée. « Tierces parties » désigne de nouveaux partenaires, d’autres membres de la famille, des voisins, des amis, des collègues, des professionnels aidants, des témoins et d’autres personnes tuées lors ou à la suite de l’incident.

ÉVALUATION DE RISQUES : évaluation du niveau de risque de violence familiale potentiellement encouru par une victime, y compris la probabilité d’actes de violence répétés ou de violence mortelle. Cette évaluation peut être basée sur l’avis d’un spécialiste en la matière, sur un entretien structuré, ou à partir d’un instrument de mesure tel qu’une liste de vérification des facteurs de risque.

GESTION DE RISQUES : stratégies visant à réduire les risques que pose un auteur d’actes de violence familiale, telles qu’une surveillance ou un suivi étroits, ou des services de conseil pour traiter de la violence ou de problèmes connexes (p. ex., santé mentale, toxicomanie).

PLANIFICATION DE LA SÉCURITÉ : recherche de stratégies visant à protéger la victime en recourant à des mesures telles que l’éducation des victimes concernant les risques qu’elles courent, un changement de domicile, une alarme avec une cote d’alerte supérieure pour faire intervenir la police, une modification des conditions de travail ou des articles tout prêts pour quitter le domicile en cas d’urgence, par exemple une liste avec les coordonnées de ressources locales en matière de violence familiale.

Ce mémoire a analysé des entretiens réalisés avec  des informateurs clés dans le cadre de l’ICPHFPV, plus précisément ceux de personnes travaillant dans divers secteurs liés à la violence familiale en Nouvelle-Écosse. Le but du mémoire consiste à examiner en profondeur la formation, les protocoles et les stratégies mis en place et utilisés par les travailleurs du secteur des services en Nouvelle-Écosse. 
 
Nous nous sommes entretenues avec 22 prestataires de services de la Nouvelle-Écosse qui travaillent avec des victimes de violence familiale ou les agresseurs dans ce domaine. Une proportion importante (41%) provenait de Halifax et de la région centrale, et près d’un quart (23%) de la région de Cap-Breton. 
 
Les participants1  travaillaient dans divers secteurs, parmi lesquels : 
  • la prévention de la violence;
  • les services d’aide aux victimes;
  • les services d’établissement;
  • les services de santé mentale pour les enfants;
  • la police (fédérale et municipale);
  • l’accompagnement;
  • les services aux enfants et à la famille;
  • les centres de guérison familiaux autochtones;
  • le traitement des auteurs d’actes de violence; et
  • la justice réparatrice.
L’ICPHFPV s’intéresse de près aux quatre groupes démographiques particulièrement exposés au risque d’homicide familial. Le Tableau № 1 montre la proportion de participants à la recherche travaillant au sein de chaque groupe. 
 

TABLEAU № 1 CARACTÉRISTIQUES DES PARTICIPANTS (N = 22)

n %

Groupe démographique

   
Collectivités rurales, éloignées et nordiques 11 50
Enfants 8 37
Populations autochtones 12 55
Réfugiés et immigrants 14 64

*La somme des pourcentages n'équivaut pas à 100, compte tenu du fait que de nombreux participants travaillent avec plus d’un groupe. 

   

1re partie

Formation sur la violence familiale en Nouvelle- Écosse

Nous avons demandé aux participants quel type de formation ils avaient reçue dans le domaine de l’évaluation de risque, la gestion de risque et la planification de la sécurité en matière de violence familiale. De façon générale, ils en avaient suivi deux types : une formation structurée explicite et une formation indirecte par le biais de possibilités de perfectionnement professionnel.

FORMATION DE TYPE 1 : FORMATION STRUCTURÉE EXPLICITE

La formation structurée explicite désigne des outils d’évaluation de risque validés de façon empirique.

  • Plus de la moitié des participants ont indiqué avoir suivi une formation explicite par l’entremise soit d’ODARA (sur le risque de récidive) soit de l’outil Danger Assessment (pour le risque de létalité), soit les deux.
  • Aucun autre outil d’évaluation de risque n’a été mentionné par les participants.

Les participants ont reçu la formation en ligne et en personne. Certains ont suivi la formation en personne avec Jacqueline Campbell, créatrice de l’outil Danger Assessment.

  • Les participants ont également indiqué avoir suivi une formation en matière de planification de la sécurité plus fréquemment que dans le domaine de l’évaluation de risque ou de la gestion de risque.

« Trois d’entre nous [à notre agence] ont en fait suivi plusieurs formations en personne avec Jacqueline Campbell. Pendant un moment, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse était très désireux de voir tout son personnel dans le domaine de la justice formé. Tous nos effectifs ne sont pas accrédités pour le faire, et nous n’autorisons que ceux qui le sont à faire ça avec les clients. »

« Plusieurs membres du personnel ont suivi la formation directement auprès de Jacqueline Campbell, mais ça faisait un moment qu’elle était dans la province; le personnel plus nouveau n’a suivi la formation qu’en ligne. »

FORMATION DE TYPE 2 : FORMATION INDIRECTE

La formation indirecte se produit lorsque les prestataires de services se familiarisent avec les stratégies en matière de violence par le biais de perfectionnement professionnel ou sur le tas.

1 Afin de faciliter la lecture du présent texte, nous avons employé le masculin comme genre neutre pour désigner aussi bien les femmes que les hommes. 

« Si on me demandait d’indiquer dans mon CV où j’ai suivi une formation en gestion de risque, j’aurais de la difficulté  à vous répondre, mais je pense qu’en fait c’est continu. On  a été à des présentations et des ateliers, alors oui, je crois qu’on a eu de la formation sur la gestion de risque, mais […] je ne me rappelle pas avoir été à un cours qui était appelé ‘gestion de risque’, mais je crois que le counseling, en général c’est de la gestion de risque, alors j’ai fait beaucoup de programmes et de formation sur la thérapie du récit, travaillé dans la violence familiale et ce genre de choses. »

Presque toute la formation en gestion de risque s’effectue indirectement, par le biais du perfectionnement professionnel. En fait, aucun participant n’a déclaré avoir suivi de formation spécifique ou formelle en gestion de risque. Ils ont expliqué, plutôt, que ce qu’ils avaient appris dans ce domaine découlait de leur formation sur :

  • la thérapie sur le traitement des traumatismes;
  • les processus en matière de politiques et de recherche;
  • la santé mentale et la psychologie;
  • l’intervention en matière de suicide;
  • l’intervention non violente en cas de crise/désescalade;
  • les premiers secours;
  • la toxicomanie; et
  • les modèles tenant compte des traumatismes/de réduction des méfaits.

Quel que soit le type de formation suivie (explicite ou indirecte), la plupart des participants ont souligné qu’ils continuaient à apprendre dans le cadre de leur travail.

« [On ne suit pas] de formation formelle sur la [planification de la] sécurité. On en suit beaucoup sur la violence familiale, on va à beaucoup de formations, on en fait beaucoup en ligne, on lit beaucoup. […] On n’a pas de formation qui dit à proprement parler ‘Voilà, il s’agit d’une formation en planification de la sécurité’ ».

Beaucoup de travailleurs dans les services liés à la violence familiale ont également déclaré avoir régulièrement tiré profit d’autres types de perfectionnement professionnel, comme les conférences, présentations, séminaires, programmes et rencontres éducatives.

« Il y a beaucoup de types de formation qui ont lieu dans notre communauté. […] C’est plus ou moins comme ça qu’on se forme – par la collaboration et nos partenaires dans le comté, et par les présentations et ce genre de choses une fois par mois. Vous savez, on a fait la formation sur la santé mentale et les premiers secours. Il y a plein de choses qui se présentent comme ça quand on peut saisir la chance; j’essaie qu’au moins un membre du personnel suive ce genre de choses, puis on le partage avec les autres pendant les réunions du personnel, pour être mieux outillés pour travailler avec les femmes. » 

Par conséquent, outre les quelques participants ayant reçu une formation explicite sur un outil, il est difficile de déterminer le degré d’harmonisation de la formation en matière d’évaluation de risque, de gestion de risque et de planification de la sécurité à l’échelle de la province. La formation et l’expertise varient ainsi d’un organisme à l’autre.

2e partie

Protocoles sur la violence familiale en Nouvelle- Écosse

Nous avons interrogé les participants sur les directives, politiques ou protocoles écrits sur lesquels repose le travail avec les victimes de violence familiale ou les agresseurs. Le protocole le plus souvent abordé en Nouvelle-Écosse est le High-Risk Case Coordination Protocol (HRCCP, ou Cadre de protocole de coordination des cas comportant un risque élevé; https://novascotia.ca/just/publications/).

LE HRCCP :

Presque tous les participants de la Nouvelle-Écosse l’ont utilisé directement, ou du moins en connaissent l’existence.

  • Les participants ont tous pu expliquer le processus de désignation initial, ainsi que la mise à jour des cas et de conférence de cas.
  • Les participants ont compris et admis l’importance fondamentale d’une communication claire, du partage d’information et d’une collaboration interagence intégrée au protocole.
  • Les participants ont reconnu que le HRCCP nécessitait l’implication de toutes les parties (prestataires de services, victimes, agresseurs, membres de la famille/ enfants).

La plupart des participants ont trouvé le volet du HRCCP sur la conférence de cas efficace, productif et utile, notant qu’« il s’agit d’un très bon processus collaboratif ».

De plus :

« À mon avis, il est souvent arrivé que ces conférences de cas fassent vraiment une différence. Je crois que ça sauve des vies, et quand les femmes y participent et qu’elles constatent qu’ici tout le monde fait tout son possible pour que tous soient en sécurité – pas juste celle de la femme, mais toute la notion que c’est tout le cas qui risque de mal tourner – alors ces conversations – pas juste qu’il risque de la tuer, mais plusieurs de nos situations sont tellement dramatiques […] Je dois dire que la désignation de risque élevé et la conférence de cas, c’est un excellent moyen de soutenir les femmes qui vivent des situations vraiment dangereuses. »

« Il est souvent arrivé que ces conférences de cas fassent vraiment une différence. Je crois que ça sauve des vies. »

Si les participants se sont montrés globalement positifs sur le HRCCP, certains ont pourtant relevé plusieurs défis. La faculté des prestataires de services de contacter la victime, par exemple, semble constituer un sérieux enjeu :

« Et là, j’essaie de contacter la victime, et je dis toujours ‘j’essaie’, parce qu’il y a toujours plein de choses qui se passent et en général la violence familiale n’est pas la seule considération, et il n’est pas toujours facile de rejoindre la cliente, elle peut être allée dans un refuge, avoir un téléphone, mais la facture n’est pas payée, alors  ce n’est pas toujours facile de la rejoindre. […] On demande aux agents de nous remettre un deuxième numéro de téléphone [comme] le numéro de la mère, on utilise cette information aussi pour essayer de la contacter. »

Une participante a expliqué qu’elle craignait que la police n’informe pas les agresseurs qu’ils sont considérés comme présentant des risques élevés :

« L’un des gros enjeux ici en Nouvelle-Écosse, et on en a parlé, mais jamais rien n’a été fait, et c’est un enjeu qui peut présenter un danger pour une femme ou une agente de la protection de l’enfance, c’est qu’on n’a jamais dit à l’accusé qu’il était considéré à risque élevé [par la police]. […] Quand il y a un risque de violence familiale élevé, la protection de l’enfance doit rencontrer la femme, évaluer les risques ou les dangers, et aussi rencontrer l’accusé pour voir s’il va vouloir des visites supervisées, et ce qu’il compte faire. Alors quand [l’agente de protection de l’enfance] dit à un homme ‘non, vous êtes considéré à risque élevé’ et qu’il n’en avait aucune idée ça, ça représente une grosse lacune ici en Nouvelle-Écosse. »

DÉSIGNER LE NIVEAU DE RISQUE

Une désignation de risque élevé est attribuée lorsqu’une relation atteint un certain seuil d’après un outil d’évaluation. De nombreux participants ont souligné que ce type de désignation provoquait une réaction de la part du système :

« Si quelqu’un est désigné à risque élevé, il passe devant quelqu’un qui est juste en probation. Alors j’essaie de le voir plus vite. »

Nous avons entendu que certains cas présenteraient, à première vue, un risque élevé, sans pour autant remplir les critères de l’outil d’évaluation de risque :

« La chance qu’il la tue, et les enfants, et lui, était extrêmement élevée. Alors parfois, quand on a une note peu élevée [sur ODARA] la police mettra quand même  la désignation au dossier. Et sa note était de 2 et son dossier disait qu’il était à risque élevé. On a pu mettre des programmes en place pour eux, on a pu la déplacer dans un endroit sécuritaire et lui, lui donner un traitement. »

De nombreux participants ont indiqué pouvoir élever la désignation de risque s’ils l’estimaient nécessaire.

« Quand je forme des membres aussi, et j’en ai entendu  me dire ‘Ça atteint juste 5, je ne sais pas si c’est un risque élevé et je ne sais pas quoi faire’, alors je leur dis ‘c’est quoi la différence entre un risque élevé ou non? Si tu trouves que c’est un risque élevé, alors on sait qu’elle obtient tous les services. On sait que tout ce qu’il y a à offrir est offert. Alors, ne t’inquiète pas si ‘ça n’atteint pas 7’. Si tu penses qu’il y a un risque ou une inquiétude, ou si une fois rentrée chez toi le soir tu te demandes si elle va bien, alors tu devrais mettre un risque élevé. »

Plusieurs participants ont également souligné qu’en raison de la façon dont le processus de désignation fonctionne, il restera toujours des cas qui n’ont pas reçu la désignation de risque élevé. Pourtant, dans ces cas, il peut devenir problématique de recourir à des termes comme « risque peu élevé », puisque cela peut sous-estimer le danger.

« Si on surestime le risque, ce n’est pas grave. Mais si on le sous-estime, c’est là que ça devient problématique. »

« Si on surestime le risque, ce n’est pas grave. Mais si on le sous-estime, c’est là que ça devient problématique. Quand on utilise les outils d’évaluation de risque, ça arrive qu’on ait le message que ça ne présente pas un risque élevé, alors […] et, comme plusieurs l’ont dit dans la province, « alors, si ça, ce n’est pas un risque élevé, qu’est-ce que c’est? C’est un risque peu élevé, et qu’est-ce que ça veut dire? ». Alors, dans les maisons de transition, les femmes qui ont reçu la désignation de risque élevé reçoivent en gros les mêmes services que les femmes qui ont un risque considéré faible. Parce qu’on ne sait pas! On ne peut pas partir du principe que quelqu’un n’est pas à risque élevé. »

AUTRES PROTOCOLES

Nous avons également interrogé les participants au sujet des directives, politiques ou protocoles écrits qu’on leur aurait remis, au-delà du HRCCP. Ils ont souligné que la police devait fait appel à ODARA dans certaines circonstances. Par exemple :

« Avec la police, il faut un ODARA si ça atteint le seuil. Alors la police se rend là où ils pensent qu’il y a eu soit de la violence familiale ou une menace à main armée; si une de ces deux choses arrive, ils doivent faire un ODARA et cet ODARA est inscrit au dossier de la police […] Le Danger Assessment est optionnel. Le DA n’est pas fait automatiquement. C’est quelque chose que je vais spécifiquement demander à la victime, lui dire ce que c’est le Danger Assessment, son but, et lui demander si elle est confortable pour le faire. »

Toutefois, pour les personnes qui exercent d’autres fonctions (comme les conseillers ou ceux dans les centres de guérison), l’évaluation de risque n’est utilisée que lorsqu’elles l’estiment nécessaire.

  • Environ la moitié des participants ont indiqué ne pas avoir d’autre politique d’évaluation de risque
  • Toutefois, plusieurs participants ont souligné que leur organisme possédait plusieurs autres politiques individuelles. Ainsi :

« On a aussi un protocole pour la protection de l’enfance. On a un protocole d’urgence si une cliente est par exemple perturbée et elle peut présenter un risque pour elle-même ou pour le personnel. »

En ce qui a trait à la gestion de risque, moins du quart des participants ont déclaré avoir reçu des politiques et des directives écrites, outre celles énoncées dans l’HRCCP.

  • Beaucoup ont souligné que le modèle de conférence de cas constituait leur principal protocole de gestion et de réduction de risque.
  • Il est pourtant intéressant de noter que de nombreux participants qui n’ont pas de protocole pour la gestion de risque ont déclaré ne pas estimer en avoir besoin, chaque cas étant différent. Toutefois, ceux qui ont des protocoles de gestion de risque ont précisé les trouver utiles.

Réciproquement, la majorité des participants ont reçu des directives écrites explicites sur la planification de la sécurité. Bien que tous les prestataires de services disposent de directives en matière de planification de la sécurité, il n’en existe aucune expliquant comment, étape par étape, le faire dans le cadre du HRCCP. Toutefois, nombre de participants ont souligné que leur propre agence disposait de politiques et de manuels expliquant comment planifier la sécurité (étape par étape). La plupart ont également indiqué que le « protocole » de planification de la sécurité consistait en partie à faire appel à son jugement professionnel. Ainsi, un protocole écrit ne peut pas toujours prédire des enjeux qui émergent au cas par cas :

« On a l’outil pour parler de la sécurité, bien sûr, mais la planification de la sécurité est juste intégrée dans notre travail quand on parle aux femmes. L’un des principaux aspects de ces conversations, c’est quand on identifie un enjeu, regarder ce qui nous pose problème. Quelles sont les stratégies pour y pour ça? De quel soutien on a besoin pour ça? Là aussi, on essaie de tirer profit des ressources que la femme utilise, mais pour ce qui est de nos politiques formelles, vous savez, on a une politique qui dit de faire notre mieux avec chaque client qui sollicite nos services pour planifier sa sécurité et de l’adapter à ses besoins. »

3e partie

Stratégies courantes

Nous avons également demandé aux participants à quelles stratégies ils recouraient souvent pour évaluer et gérer les risques, ainsi que pour planifier la sécurité. Nombre d’entre eux ont expliqué que leur jugement professionnel constituait l’une des stratégies les plus importantes dont ils disposaient : « À mon avis, on ne peut pas ne pas le faire. Ce serait de la négligence si on ne le faisait pas [utiliser son jugement professionnel]. » En outre,

« D’après moi, si on utilise un outil, quel qu’il soit, c’est juste comme guide. Certaines de ces questions sont simplement là pour nous aider à considérer les choses sous un certain angle. Et comme je le dis souvent aux femmes, des fois ce sont elles les expertes. Je pense que j’ai beaucoup appris d’elles – plus que toute autre chose. »

ÉVALUATION DE RISQUE

La plupart des participants qui se livrent à des évaluations de risque dans leur travail s’appuient sur des outils préstructurés ou les entretiens (ODARA et Jacqueline Campbell, comme décrit précédemment).  Quelques participants ont décrit d’autres outils, comme des organigrammes ou des listes de contrôle et des évaluations pour déterminer les risques de suicide. Comme indiqué précédemment, nombre d’entre eux estiment que leur jugement professionnel peut parfois surpasser un outil formel. Toutefois, le jugement professionnel sert aussi de stratégie pour de nombreux autres aspects de l’évaluation de risque, notamment :

  • pour décider que faire lorsque des informations extérieures sont divulguées;
  • pour savoir quand aiguiller vers d’autres services; et
  • dans un cadre psychologique ou clinique :

« Lorsqu’on conseille et qu’on parle à nos clientes, on tient compte de certains indicateurs pour nous signaler si elles courent un risque constant ou limité. Et pour ça, on se base sur notre jugement professionnel. On n’utilise pas à proprement parler d’outil d’évaluation de risque. On base notre évaluation de risque sur nos conversations et la supervision clinique communiquée à nos thérapeutes. Ils exposeraient la situation d’un client pour une supervision clinique et déterminer le risque. Ça peut être le risque pour soi-même, le partenaire ou les enfants. »

Chercher d’autres signaux qui pourraient ne pas être pris en compte par un outil. La Figure № 1 énumère plusieurs de ces signaux d’alarme.

ÉVALUATION DE RISQUE : SIGNAUX D’ALARME

Figure № 1. Autres aspects sur lesquels peuvent se pencher les travailleurs des services pendant une évaluation de risque

Figure № 1. Autres aspects sur lesquels peuvent se pencher les travailleurs des services pendant une évaluation de risque

Signes de maltraitance, Changements graduels, Problèmesliés aux enfants/garde d’enfant: Escalade,  Améliorations (p. ex. par services de conseil)

Considérations culturelles, Autres types de maltraitance, Animaux familiers, Instabilité/problèmes financiers, Comportement dominateur: Psychologique/émotionnel, Financier, Sexuel

Harcèlement crim: inel, minimisation, Harcèlement criminel, Minimisation, Opinions/ préoccupations des victimes, Risque de suicide: de la victime, de l'agresseur

GESTION DE RISQUES

La gestion de risque s’avère le processus nécessitant le plus de temps et de ressources. C’est pourquoi, d’après de nombreux participants, il n’est pas toujours possible de disposer du financement, du temps et des ressources requises pour effectuer une évaluation de risque efficace pour chaque cas. Ceci semble constituer un obstacle à un suivi et une supervision de qualité dans la durée.

« Je pense que la gestion de risque est nécessaire. Je ne pense pas que nous ayons les ressources pour faire ce type de gestion de risque correctement. Je pense qu’on fait du mieux avec les ressources qu’on a, mais il y a tant de carences et je pense qu’on manque tellement de ressources que ces gens passent au travers des mailles du filet. »

« Je pense que les ressources sont tellement insuffsantes que ces personnes passent au travers des mailles du flet »

La collaboration interagence constitue la stratégie de gestion de risque la plus fréquemment mentionnée.

  • La plupart des participants ont souligné que la gestion de risque impliquait presque toujours un aiguillage vers des agences, programmes et services communautaires, y compris des services de conseil.
  • Selon près de la moitié d’entre eux, la conférence de cas (par le biais du HRCCP) constitue une étape intégrale de la gestion et de la réduction de risque.

« En fait, on en revient à ce dont on a déjà parlé et ensuite à naviguer comme on peut… on connaît d’autres soutiens locaux vers lesquels on peut les orienter, comme la santé mentale, les dépendances, la thérapie ou là où il y a d’autres programmes. »

La Figure № 2 présente d’autres facteurs jugés essentiels à une gestion de risque efficace.

Enfin, les participants ont indiqué que les programmes pour les hommes faisaient partie intégrante d’une gestion de risque efficace. Ces programmes impliquent les tribunaux qui instruisent des causes de violence familiale et les services de conseil, mais aussi les programmes et aides en matière de logement, de parentalité et d’emploi.

Toutefois, comme l’a souligné l’un d’eux, « il n’y a pas autant de services pour les accusés que pour les victimes » et cela pourrait donc constituer une lacune dans les services offerts.

« Il n’y a pas autant de services pour les accusés que pour les victimes »

Figure №2. Stratégies de gestion de risque

Figure №2. Stratégies de gestion de risque

Collaboration, Accompagnement/ thérapie de longue durée, Surveillance desindicateurs de suicide, Éducation, Développement de la confiance, Programmes sur les dépendances, Suivi et supervision, Prise en compte des enfants/
animaux familiers, Communication, Programmes d’emploi, Programmes
pour les hommes

PLANIFICATION DE LA SÉCURITÉ

Les plans de sécurité, pour être efficaces, ne devraient pas être figés dans le temps, mais plutôt revus régulièrement. C’est du moins l’argument le plus fréquemment avancé lorsque nous avons interrogé les participants sur les stratégies de planification de la sécurité, tout comme le fait qu’une partie importante de la planification et de l’éducation se fait oralement, pendant les conversations.

« J’ai toujours dit que la planification de la sécurité, ça peut aller d’une longue discussion d’une heure sur la façon de répondre à telle ou telle situation, et à ce qu’on va  faire, à un simple appel d’une nouvelle cliente, et où on prend son nom et son adresse, et si elle nous dit qu’elle a peur et qu’elle est en danger, essayer de noter son nom, son adresse et son numéro de téléphone sur notre feuille d’urgence, pour que si quelque chose arrive pendant qu’elle nous parle on puisse envoyer la police. »

Le contenu d’un plan de sécurité repose également sur les besoins de la cliente. Par exemple, les participants ont relevé deux types de planification de la sécurité. Une victime peut avoir besoin de l’un ou de l’autre.

Planification de la sécurité de type 1 : la sécurité immédiate

Les plans de sécurité immédiate désignent les aspects les plus pratiques et fondements de toute planification de la sécurité :

  • verrouillage des portes;
  • systèmes d’alarme;
  • sac d’affaires de secours tout prêt;
  • sécurité entourant le véhicule;
  • protection des documents importants, y compris administratifs; et
  • acceptation d’appeler le 911

Planification de la sécurité de type 2 : la sécurité à long terme

Les aspects de la planification de la sécurité à long terme incluaient, quant à eux :

  • la planification de la sécurité au travail;
  • la planification de la sécurité et les enjeux liés à la toxicomanie et à la santé mentale; et
  • l’inclusion d’autres personnes dans le plan (employeurs/ superviseurs, collègues, voisins, propriétaires du logement, enfants).

Toutefois, de nombreuses autres stratégies ont également émergé pour planifier la sécurité des victimes de violence familiale. La plupart des participants ont ainsi indiqué que la planification de la sécurité devait être adaptée à chaque victime, tabler sur les forces individuelles et, de façon générale, inclure :

  • ce qui a fonctionné dans le passé
  • de multiples stratégies de secours; et
  • des stratégies souples.

« Écouter où se situent les peurs des femmes et tenter de découvrir, en parlant avec elles, ce qu’elles font déjà. Sur quelles forces et quels types de sécurité elles comptent déjà, et comment en tirer profit encore plus? Et toujours prêter attention aux nuances. […] Par exemple quand quelqu’un vous appelle et dit ‘tout va bien, les ordonnances du tribunal sont en place, il a rendu visite aux enfants’ et quand une semaine plus tard on entend ‘je n’ai pas bien dormi ces derniers jours, c’est sûrement le stress’ […] Alors prêter attention aux nuances et ne pas tirer de conclusion trop vite. Ne pas penser que ce qu’elle dit, c’est ce qu’on pense qu’elle dit. »

« Ce qui marche aujourd’hui peut ne pas marcher la semaine prochaine. On doit adapter ses plans de sécurité aux circonstances. »

 « Le plus important qu’on doit communiquer aux femmes [c’est] que ce qui marche aujourd’hui peut ne pas marcher la semaine prochaine. On doit adapter son plan de sécurité aux circonstances et aux changements qu’on rencontre. […] Alors, j’hésitais toujours à écrire que la planification de la sécurité est terminée, parce que je croyais que ce n’était jamais le cas. »

Un autre thème important dans le domaine de la planification de la sécurité est la nécessité d’établir des « attentes raisonnables », c’est-à-dire d’être conscient des moyens et des ressources dont disposent les clientes et de planifier en conséquence :

« Ça doit être son plan à elle, pas vrai? Ça doit être un  plan qui marche vraiment. Par exemple, dire à une femme qu’elle doit installer un système d’alarme alors qu’elle ne sait pas si elle va avoir assez pour son prochain repas, ça n’a pas de bon sens, et malheureusement, j’ai vu des gens du gouvernement qui disent ça aux femmes, ‘et bien, vous n’avez qu’à acheter un système d’alarme.’ Et qui est-ce qui va le payer? Et après, ils vont dire qu’elle ne coopère pas et qu’elle n’a pas changé ses verrous de porte ou autre chose, mais elle n’avait pas l’argent pour ça. […] Alors, le plan doit être pratique, et elle doit reconnaître les risques, et elle doit vouloir un plan de sécurité, et ce plan doit être pratique. »

Cela requiert souvent de faire preuve d’une certaine créativité pour régler les problèmes. Par exemple :

« Le contact au téléphone, c’est difficile. Par exemple, comment aviser ma voisine, si je veux qu’elle sache qu’il y a un problème, comment je lui dis? […] Les femmes parlent souvent des ‘stores à ma fenêtre; je les remonte et elle voit que les stores sont remontés, alors elle sait’ ou ‘si mes stores sont fermés’, vous voyez, elles déterminent quel signal donner à la voisine. […] Une autre chose, c’est que tous les logements n’ont pas de stores, et tous n’ont  pas de rideaux non plus ici, dans nos communautés de Premières Nations, alors ça peut être une couverture ou un sac poubelle. Et là encore, essayer d’être créatives pour dire à nos femmes « si c’est un sac poubelle, alors tu le retires  de la fenêtre. » Alors, ça peut être le message aux voisins  ou à un membre de la famille qui vit à côté pour dire ‘oh mon Dieu, le sac poubelle est plus là, je dois y aller voir ou appeler le 911’ ou ce qui semble approprié, hein? »

Figurent parmi les autres stratégies essentielles de planification de la sécurité mentionnées par les participants de cette étude :

  • la sécurité vis-à-vis de la technologie et des médias sociaux;
  • l’éducation et la communication;
  • un plaidoyer en faveur de la victime – auprès de l’employeur ou du propriétaire du logement p. ex;
  • l’aiguillage vers d’autres services (maisons de transition, conseil ou thérapie pour le traitement des traumatismes, refuges pour femmes, aide financière, protection de l’enfance et protection de la police;

4e partie

Collaboration, communication et partage d’information

La conférence de cas est essentielle dans le cadre du HRCCP. Elle nécessite collaboration et communication entre de multiples agences pour déterminer la désignation de risque initiale et mettre à jour les cas qui en ont besoin. La grande majorité des participants estiment avoir les moyens de communiquer lorsque cela s’avère nécessaire.

Les principales agences impliquées dans la conférence de cas dans le cadre de l’HRCCP sont :

  • les maisons de transition;
  • la police;
  • les services d’aide aux victimes;
  • les services de protection de l’enfance;
  • les services correctionnels et de probation; et les programmes d’intervention pour les hommes

Bien que ces organisations soient les plus impliquées dans tous les cas, plusieurs autres peuvent intervenir selon les besoins des clientes. La Figure № 3 illustre les organismes cités par les participants.

Figure № 3. Représentation visuelle de 6 des principaux organismes (en gris) et autres organismes (en bleu) susceptibles d’être impliqués dans les conférences de cas au sein du HRCCP

Figure № 3.
Représentation visuelle de 6 des principaux organismes (en gris) et autres organismes(en bleu) susceptibles d’être impliqués dans les conférences de cas au sein du HRCCP
 
Centre: Principaux Organismes dans le HCRRP
6 des principaux organismes (en gris): Police, maisons de transition, programmes d'intervention pour les hommes, protection de l'enfance, services correctionnels/probation, services aux victimes
Autres organismes(en bleu) susceptibles d’être impliqués dans les conférences de cas au sein du HRCCP: Centres de ressources pour les familles, milieu de travail des clientes, refuges pour femmes, autres organismes sans but lucratif, hôpitaux, services de conseil, écoles, services d'immigrations/culturels, santé mentale et dépendances, services aux familles autochtones, services aux immigrantes familles, centres de guérison, tribuanux et aide juridique, services gouvernmentaux, programmes de sensibilisation, centres de ressources pour les familles

QUELS SONT LES TYPES DE RENSEIGNEMENTS ÉCHANGÉS?

La normalisation de la façon dont les renseignements sont échangés entre organisations est propre au HRCCP. Il existe deux « formulaires » (sorte de « mises à jour ») créés par une agence et transmis aux autres, de sorte que tous ceux qui collaborent sur un cas possèdent la même information.

Le « Formulaire 1 » porte sur la désignation de risque initiale pour un cas. Le formulaire est émis par le ministère de la Justice et contient les coordonnées tirées de l’évaluation de risque et les charges déposées. Il est ensuite envoyé aux prestataires de services primaires, pour que toutes les agences soient informées qu’un cas a reçu la désignation de risque élevé. Lorsqu’une cliente est aiguillée vers une organisation, ce formulaire permet aux prestataires de services d’avoir l’information dont ils ont besoin pour se livrer à des évaluations professionnelles.

Le « Formulaire 2 » constitue le suivi du premier. Il fournit les mises à jour nécessaires (ou « événements importants ») sur un cas comportant un risque élevé, par exemple lorsque la victime a un nouveau partenaire ou que l’agresseur n’a pas respecté une ordonnance, ou à l’approche de la date de comparution au tribunal. Ces facteurs sont tous à prendre en considération pour gérer les risques et planifier la sécurité, et ils sont susceptibles d’augmenter le risque couru par la victime. Tout comme le premier, le Formulaire 2 est remis aux organisations concernées de façon à ce que, le cas échéant, les prestataires de services puissent réagir de façon appropriée et en temps opportun après avoir reçu la mise à jour.

« Les services correctionnels envoient ce qu’on appelle le Formulaire 2, avec les événements importants quand le risque augmente, pour que quand on le reçoit, on appelle la femme, juste pour s’assurer de voir si on doit faire quelque chose de plus pour planifier sa sécurité, et pour qu’elle sache le niveau de risque que les services correctionnels considèrent à ce moment’ ».

De plus, certaines clientes avancent elles-mêmes de nouvelles informations pouvant intéresser d’autres services, par exemple si elles sont plus inquiètes ou qu’on les a de nouveau suivies. Le partage de renseignements s’effectue habituellement dans le cadre de la conférence de cas:

« Une des choses qu’on fait, et ça arrive de temps en temps, c’est une conférence de cas. Disons que ça se peut qu’elle est complètement terrifiée et qu’elle n’a pas beaucoup de ressources et ça inclut souvent au niveau financier, ou alors le logement, souvent elles habitent tout près de l’agresseur et ça augmente le danger. »

OBSTACLES À L’ÉCHANGE D’INFORMATION

Les participants ont relevé peu de freins dans ce domaine, mais ils ont mentionné certaines craintes quant au type de renseignements partagés et à leur qualité. Par exemple :

« Alors c’est pas mal frustrant. […] Certains agents de probation sont très coopératifs et ont des documents bien détaillés quand je reçois un cas. Mais d’autres envoient juste les coordonnées de base et l’ordonnance de la cour et je dois me débrouiller avec ça. »

Le consentement de la victime constitue le principal obstacle à la communication et à l’échange d’information.

  • Les victimes doivent consentir à la transmission d’informations (même dans le cadre du HRCCP). Lorsqu’elles ne le font pas, la confidentialité entrave l’efficacité de la communication entre les agences.
  • Le consentement est particulièrement problématique pour collaborer avec des organisations extérieures (les cercles en vert de la Figure 3), puisque l’absence de consentement oblige les prestataires de services à ne pas échanger de renseignements sur un cas, qui peuvent cependant s’avérer déterminants pour la sécurité.
  • Certaines femmes hésitent à accorder leur consentement parce qu’elles ont trop peur que cela puisse se retourner contre elles :

« La confidentialité est essentielle, alors ça allait à l’encontre de tout, même si on savait qu’il pourrait sûrement y avoir un danger. […] Je pense que parfois, la confidentialité tue, mais je crois aussi que parfois, ce qui fait que nos femmes tiennent tellement à leur confidentialité, c’est le sentiment que c’est la seule chose qu’elles contrôlent et quand elles sont absorbées par le système, elles n’ont pas le contrôle. […] Je parle à beaucoup de femmes qui ont été victimisées et elles veulent témoigner, mais elles ne veulent pas raconter toute leur vie non plus. Elles […] veulent que leur histoire soit respectée. […] Même moi, comme coordonnatrice en VF, j’ai eu de la difficulté à faire participer les femmes aux conférences de cas, qui à mon avis sont des outils vraiment utiles, mais seulement si tous ceux qui sont assis à la table sont sur la même longueur d’onde. [Les] toutes premières conférences que j’ai organisées, la protection de l’enfance est venue avec un cahier pour prendre des notes, et je crois qu’après la troisième conférence de cas qu’on a faite, ils disaient à la femme « on retourne au refuge avec vous parce qu’on va prendre votre enfant » […] Si on est là en train de prendre des notes pour les utiliser contre elle, comment elle va se sentir en sécurité? Et pourquoi elle devrait tout dire? Moi, en tout cas, je ne le ferais pas. »

« Je pense que parfois, la confdentialité tue. »

Il existe donc ces cas dans lesquels la victime peut être exposée à un grave danger, mais ne pas consentir à partager l’information. Lorsque cela se produit, il est nécessaire de faire appel à un certain degré de jugement professionnel pour déterminer s’il convient de passer outre à sa demande.

« Ça arrive qu’une femme ne veut pas que vous communiquiez quelque chose, mais si on pense qu’un   cas nécessite une désignation de risque élevé, même si elle n’est pas d’accord, alors c’est à nous le personnel de décider, et on est honnêtes avec les gens; si on pense que la situation est extrêmement dangereuse, on va peut-être quand même faire appel aux autres partenaires, mais ce n’est pas une décision qu’on prend à la légère. »

5e partie

Défis et obstacles pour les populations vulnérables

Comme indiqué précédemment, l’ICPHFPV s’intéresse particulièrement à quatre groupes démographiques représentant un risque élevé :

  • les enfants exposés à la violence familiale;
  • les collectivités rurales, éloignées et nordiques;
  • les populations autochtones; et
  • les immigrants et les réfugiés

Nous avons cherché à déterminer à quels défis spécifiques sont confrontés les prestataires de services de la Nouvelle- Écosse lorsqu’ils travaillent avec ces populations. Nous décrivons ci-dessous certains des principaux enjeux relevés pour chaque groupe.

ENFANTS EXPOSÉS À LA VIOLENCE FAMILIALE

Inquiétudes entourant le rôle parental

  • Parents qui se servent de leurs enfants contre l’autre parent (p. ex., droit de garde et de visite)
  • Parents qui essaient « que ça marche » pour les enfants, ce qui finit par accroître le risque de violence
  • Enfants cherchant à s’interposer entre des parents qui se disputent, ce qui augmente le risque
  • Contrôle de l’accès de leurs enfants aux services

Manque de services

  • Manque de ressources pour les enfants exposés à la violence
  • Besoin de disposer de services traitant la maladie mentale ou les traumatismes chez les enfants

Antécédents de violence et de traumatismes

  • Retards développementaux
  • Troubles comportementaux

Logement

  • Foyer instable ou manque de logement sécuritaire

Dépendances

  • Chez les parents et les jeunes/adolescents

Protection de l’enfance

  • Certaines mères peuvent éviter de contacter les services par crainte que leurs enfants leur soient retirés
  • Stigmates liés à l’implication des services de protection de l’enfance

COLLECTIVITÉS RURALES, ÉLOIGNÉES ET NORDIQUES

Transport (mentionné par tous les participants)

  • La question de l’isolement qui s’y rattache
  • Les femmes ne peuvent pas voyager ou se déplacer

Manque de services

  • Financement et ressources insuffisants pour répondre à la demande
  • Services limités signifiant de longues listes d’attente pour y accéder
  • La distance rend les services existants inaccessibles – les femmes doivent quitter leur communauté pour y accéder. Des participants ont indiqué qu’on avait conseillé à certaines de leurs clientes de déménager pour ces raisons
  • Manque de services et de programmes dans le domaine de l’emploi, de la parentalité, des dépendances, et même des services téléphoniques et Internet
  • Temps de réponse lent de la part de la police
  • Manque de logements sûrs et abordables

Chômage

  • Manque d’emplois et/ou de programmes d’emploi

Manque d’éducation

  • Manque de sensibilisation publique sur la violence familiale et ses effets

Mentalité et croyances « étriquées »

  • Humiliations et culpabilisation
  • Croyance que les agresseurs dans les collectivités rurales peuvent être protégés ou défendus s’ils sont appréciés, ou qu’on ne croira pas la victime
  • Enjeux entourant la confidentialité (p. ex., « Je ne peux pas me rendre à ce service parce que l’ami de mon agresseur y travaille»)

Autres enjeux

  • Pauvreté
  • Services téléphoniques/cellulaires et Internet médiocres
  • Nombreux problèmes d’abus de substances
  • Chape de silence – « On n’en parle pas », beaucoup de cas non déclarés

POPULATIONS AUTOCHTONES

Les communautés autochtones font face à des défis et obstacles particuliers, héritages du colonialisme au Canada, notamment :

  • Une incapacité à accéder à des services appropriés/ adaptés à la culture
  • Sentiment de « ne pas être accueillis dans des endroits blancs »
  • Racisme et préjudices

Effets spécifiques de la colonisation et des traumatismes intergénérationnels :

  • Taux de pauvreté élevés
  • Consommation élevée de substances et dépendances
  • Minimisation et normalisation de la violence à l’encontre des femmes (et de la violence en général)
  • Barrières entourant la langue, l’éducation et la littératie
  • Confiance brisée entre les Autochtones et la police, qui résulte en une crainte de signaler la violence familiale; imposition du système de justice colonial plutôt que d’envisager le recours aux traditions culturelles autochtones

Les nombreux obstacles mentionnés à propos des populations rurales, éloignées et nordiques se retrouvent également au sein des populations autochtones, comme l’illustre la Figure № 4. En voici quelques exemples :

  • Manque de services
    • temps d’intervention lent de la part de la police;
    • service Internet et téléphonique médiocre;
    • manque de logements sûrs;
    • financement des ressources insuffisant; et
    • longues listes d’attente.
  • Transport (distances importantes et manque de transport public)
  • Problèmes entourant la confidentialité

La Figure № 4 expose les freins à l’accès aux services au sein des populations autochtones et des populations rurales, éloignées et nordiques

La Figure № 4 expose les freins à l’accès aux services au sein des populations autochtones et des populations rurales, éloignées et nordiques

La gauche: Populations autochtones
Le centre: Absence de services, absence de transports, mentalité « étriquée », enjeux entourant la confidentialité, « chape de silence », pauvreté, abus de substances/dépendances
La droite: Collectivités rurales, éloignées et nordiques

Bien que tous les prestataires de services travaillant avec les populations autochtones n’aient pas avancé ces obstacles dans le contexte de la colonisation, nous tenons à souligner que ces freins découlent d’injustices passées et présentes, telles que le système de pensionnats, la colonisation et la discrimination persistante. Ceci peut influencer l’expérience qu’elles ont de la violence familiale.

IMMIGRANTS ET RÉFUGIÉS

Barrière de la langue

  • Manque de services de traduction
  • Problème entourant la confidentialité si l’interprète provient de la communauté de l’agresseur
  • Barrière de la langue entre la victime et les services/le système
  • Manque de documentation en d’autres langues
  • Problèmes de coordination et procédure ralentie en raison des besoins en traduction

Problèmes culturels

  • Manque de services appropriés ou adaptés à la culture

Attitudes et croyances différentes

  • Sur les femmes, les rôles selon le genre, la propriété
  • Sur l’acceptabilité sociale de la maltraitance
  • Culpabilisation et humiliation de la victime, et perception entourant les options disponibles pour les femmes

Isolement

  • Social
  • Mental
  • Physique

Peur, méfiance et manque de compréhension des habitudes, des lois, de la police et du système juridique canadiens

  • Manque de connaissance des options et services pour les femmes, lois et procédures juridiques
  • Racisme et discrimination

Stress et traumatisme

  • Provenance de pays politiquement instables et déchirés par la guerre

ENJEUX ENTOURANT LA SITUATION SOCIALE

Les participants ont été interrogés sur les effets éventuels de la situation sociale sur le risque (c.-à-d., chevauchement de facteurs de risque).

Globalement, les participants ont estimé que de nombreux facteurs liés à la situation sociale (tels que l’ethnicité, le genre, l’âge et le statut socioéconomique) pouvaient se combiner et augmenter les risques.

Toutefois, nombre d’entre eux ont souligné que la situation sociale semblait jouer un rôle dans la façon dont les gens sont affectés par les différents facteurs. D’autres facteurs sont également susceptibles de renforcer les risques, en fonction des situations rencontrées :

  • la violence latérale;
  • le traumatisme intergénérationnel;
  • les antécédents de victimisation et de traumatismes;
  • les dépendances;
  • le travail du sexe;
  • la pauvreté;
  • l’isolement (physique ou social – être socialement isolé peut être bien nocif); et
  • le statut social élevé de l’agresseur.

« [Si] l’agresseur est respecté et a une place importante dans la collectivité, personne ne veut croire qu’il s’est comporté comme ça, alors c’est très difficile pour cette femme d’accéder aux services. Alors, je trouve que chaque situation comporte ses propres obstacles et risques. »

6e partie

Indicateurs de létalité

Au cours des entretiens, les participants ont été interrogés sur des indicateurs de létalité spécifiques dans des cas de violence familiale comportant un risque élevé en Nouvelle- Écosse. En voici quelques-uns :

« La chape de silence »

  • uSous-déclaration
  • Culpabilisation et humiliation de la victime
  • Refus d’en parler

« Il y a une chape de silence entourant la violence familiale. [Par exemple] quand on regarde les statistiques et qu’elles disent qu’une femme autochtone sur trois court un risque de violence familiale, je suis certaine que c’est plus que ça, et je crois que c’est parce que les statistiques ne se fondent que sur ce qui est déclaré. »

Attitudes et croyances

  • Normes entourant les genres

« Une autre chose, c’est les traditions et les croyances culturelles. Des fois, [leur] foi ne voit pas forcément la violence familiale et la violence fondée sur le genre [comme] un enjeu. Alors ça peut contribuer à la normalisation de la situation plutôt que de la régler. »

Manque de ressources sociales

  • Manque de ressources spécifiquement pour les hommes
  • Long délais d’intervention de la police

« J’ai parlé aux femmes et je leur ai dit, ‘bon, si ça arrive, vous appelez la police’, et elles ont répondu, ‘je suis désolée, mais ça ne me rassure pas vraiment, parce que la dernière fois que je les ai appelés, ils ont mis quarante-cinq minutes à arriver. Ce n’est pas ça qui va m’aider à me sentir en sécurité’ ».

Méfiance à l’égard of police/ CJS

  • Manque de connaissance du système et des options disponibles

« Une lacune [ce sont] les traumatismes qui découlent des guerres et d’autres choses comme ça, comment faire confiance à la police, comment faire confiance au système, comment faire confiance aux tribunaux, comment faire confiance aux avocats, même. Alors ce n’est pas juste les gens qui ont connu la guerre, mais aussi ceux qui viennent de systèmes auxquels on ne peut pas vraiment faire confiance, parce qu’il y a beaucoup de corruption. »

Santé mentale

  • Abus de substances et toxicomanie

« Ce sont ceux qui causent le plus de nuits blanches, parce que ces choses-là, la santé mentale et la toxicomanie, ça ajoute aux facteurs de risque. Ça élève le risque pour tout. »

Pauvreté

  • Manque d’accès à l’éducation
  • Manque d’accès au logement

« L’autre barrière importante, c’est le logement et l’accès à un logement sécuritaire et abordable; il y a vraiment une carence, là. Alors, si une femme arrive au refuge, où elle va après, ça c’est un problème, parce que c’est très difficile de trouver un logement sécuritaire et abordable. »

Quand des enfants sont impliqués

« Je pense qu’il y a des facteurs de risque pour les enfants qui tentent d’intervenir. Les enfants essaient de s’interposer entre les parents qui se battent et aider la maman, par exemple. Les enfants sont souvent blessés à cause de ça, parce qu’ils cherchent à intervenir. »

Accès à des armes

« Je dirais qu’il y a un gros problème de mortalité,  vraiment, parce que les jeunes ont souvent beaucoup d’addictions, et il y a beaucoup de violence due aux armes à feu et aussi d’antécédents de violence physique. »

Enjeux culturels

  • Différences politiques et culturelles
  • Barrière de la langue

« La langue – la barrière la plus importante. Récemment, j’ai travaillé avec une femme qui avait essayé d’expliquer à la police le plan compliqué que son mari avait pour la tuer, elle et sa fille, sans pouvoir le communiquer efficacement. »

Isolement

  • Mental ou social
  • Physique

« Je trouve que quand les gens sont isolés, ils sont beaucoup moins conscients que la relation s’en va dans  la mauvaise direction. Surtout les femmes qui ne sont pas très claires dans leurs idées ou dans leur mémoire, et à cause de ça elles ont de la difficulté à prendre les bonnes décisions pour elles. Je crois que c’est la même chose  avec les hommes – ils s’isolent aussi par peur d’être pris ou questionnés ou autre chose, et l’isolement est un gros facteur de risque qui peut entraîner l’escalade. »

Faire partie d’une minorité

  • Violence latérale
  • Minorité ethnique
  • Minorité de genre

« Et notre population transgenre aussi [...] Je crois, bon, à vrai dire je ne connais pas les statistiques, mais je suppose que si on est transgenre on est 100 % exposé au risque d’être confronté à de la matraitance ou de la violence dans sa vie. »

7e partie

Pratiques prometteuses

Les participants ont avancé de nombreuses pratiques prometteuses susceptibles d’améliorer l’évaluation, la gestion et la réduction de risque dans les cas comportant un risque élevé de violence familiale. En voici plusieurs :

Ressources accessibles

  • Services adaptés à la langue et à la culture

« Nos organisations ont fait campagne auprès des prestataires de services dans différents domaines en termes de rendre leurs services plus compétents ou plus inclusifs du point de vue culturel ou d’avoir des endroits où les immigrants sentent que leurs besoins seront compris et reconnus. »

  • Maisons de transition

« Les programmes de sensibilisation pour les maisons de transition […] sont sous-estimés en termes de la valeur de ce qu’ils font. Je sais qu’ils ont des programmes où  les travailleurs vont voir la victime. Et je crois que c’est  vraiment précieux, et là encore, les maisons de transition sont toujours sous-financées et sous-évaluées dans leur travail. C’est l’un des plus gros avantages qu’elles offrent. »

Présence d’autres services :

  • Services de conseil
  • Groupes de soutien
  • Services pour les enfants
  • Travailleurs de services provenant de milieux autochtones et immigrants
  • Environnements sécuritaires et non critiques

« Je pense que le meilleur outil, c’est comment on répond, comment on traite les gens, comment on dit qu’on peut approcher tout le monde sans les juger, et ce n’est pas très facile; c’est la condition humaine : on veut tous juger d’une façon ou d’une autre. »

Justice réparatrice et tribunal spécialisé dans la violence familiale

« Je pense qu’une des choses que j’aime vraiment c’est avec les tribunaux spécialisés dans la violence familiale. Il y a un peu de justice réparatrice planifiée, pour compenser un peu une déviance importante. Et ne pas bouger les gens qui sont prêts à prendre responsabilité et à changer, et qui reconnaissent leurs comportements, vous savez, le mal qu’ils ont fait avec ce comportement, et qui sont prêts à changer. Ça, c’est très prometteur. »

Communication

  • Communication avec les autres services
  • Communication avec les clients

« Je pense que quand il y a une bonne communication  et qu’on prend le temps. C’est tout simple, mais prendre le temps de vraiment parler à la victime, vraiment comprendre sa réalité, et la respecter comme elle est. Je crois que c’est une étape qui est souvent oubliée, surtout par le gouvernement. »

Transparence du système de justice pénale

« Souvent, les hommes se sentent écartés dans le processus au tribunal et ils ne comprennent pas ces procédures. [Récemment] on a fait venir une avocate de l’aide juridique qui se spécialise dans la violence familiale qui leur a dit quels processus et quels outils étaient disponibles et comment ils peuvent commencer quelque chose et obtenir des conseils et de l’aide juridique sans peser sur leur situation économique. Alors, ça a vraiment été quelque chose pour eux de parler à une avocate sur une base plus informelle que d’habitude et de pouvoir poser des questions vraiment honnêtes. »

Pratiques tenant compte des traumatismes

« C’est là que j’aime prêcher la bonne parole – on   a beaucoup parlé de la pratique tenant compte des traumatismes. Je crois vraiment que pour arriver à changer dans le travail qu’on fait, on doit se concentrer sur les communautés tenant compte des traumatismes. On doit outiller les gens dans la communauté pour qu’ils puissent changer les choses. »

Sensibilisation en matière de violence

  • Pour les prestataires de services, les victimes et les agresseurs

« Je trouve vraiment que les services de protection de l’enfance ont besoin de beaucoup s’éduquer et apprendre pour pouvoir travailler avec ces familles. »

  • Approches basées sur les forces

« [Prendre] en compte les forces et les stratégies que la femme a déjà identifiées pour elle et les intégrer dans le plan, et aussi identifier ses craintes. Ce n’est pas une crainte qu’on dit qu’elle devrait avoir; c’est les craintes qu’elle a identifiées, elle. Je crois que c’est parce que c’est une approche centrée sur la femme que c’est une pratique prometteuse. »

Ressources pour des groupes spécifiques

  • Groupes vulnérables

-  Collectivités rurales, éloignées et nordiques

-  Enfants

-  Autochtones

-  Immigrants et les réfugiés

  • Ressources pour les auteurs de violence

8e partie

Thèmes dominants et conclusion

Enfin, il est important d’attirer l’attention sur plusieurs thèmes prédominants relevés au cours des entretiens.

Thème № 1 : le jugement professionnel constitue notre outil le plus utile

« Oui. C’est notre princinpal outil, notre jugement professionnel, et je trouve que c’est très important de travailler en équipe, alors on se retrouve toutes les semaines pour parler de ça. Alors quand on parle de ce que vivent nos clientes, d’autres peuvent écouter et nous aider à déterminer où en sont les gens et quand on devrait s’inquiéter et ce genre de choses. »

Les travailleurs de ce secteur doivent être conscients de l’importance de leur jugement professionnel et avoir confiance en leur capacité de prendre les bonnes décisions quand des personnes sont peut-être en danger.

Thème № 2 : la gestion de cas est continue

« Je trouve aussi que les plans de sécurité, ce n’est pas quelque chose qu’on fait une fois avec quelqu’un et après raye ça de notre liste. Je pense que c’est constant et on a besoin de montrer aux gens comment faire leur propre plan de sécurité. »

Chaque aspect de la gestion de cas (de l’évaluation de risque à la planification de la sécurité en passant par la gestion de risque) devrait s’inscrire dans la durée

  • Le risque ne disparaît pas. Les circonstances évoluent rapidement
  • Continuellement tenter d’évaluer, gérer et réduire le risque pour chaque cas.
  • Il est essentiel de bien connaître un cas pour pouvoir repérer les signes et les changements qui pourraient indiquer un problème éventuel.

Thème № 3 : c’est dans les petites choses

« La violence familiale, c’est comme éplucher un oignon, parce qu’il y a beaucoup d’épaisseurs. […] Il y a beaucoup d’éléments, il y a la santé mentale, les addictions qui sont si prédominantes que je dirais qu’environ 80 % de mes dossiers ont des liens avec les addictions, et aussi les pressions financières, les enfants quand ils sont séparés, quand il y a une nouvelle relation… »

Dans beaucoup (voire la majorité) de cas, une composante essentielle de ce processus consiste à repérer les changements subtils et graduels, ainsi que les aspects plus nuancés d’un cas qui sont susceptibles d’indiquer un risque

Thème № 4 : les victimes sont leurs propres expertes

« À mon avis, c’et la victime qui connaît le mieux sa propre vie, alors elle sait quoi faire pour assurer sa sécurité. Et certainement, je vais proposer des choses pour sa sécurité, mais je ne la pousse pas à le faire. Et plusieurs organisations la poussent à faire ceci ou cela, et souvent ça se retourne contre elles, parce que soit elle n’entend pas, soit elle est bouleversée par ce qu’elle a entendu. »

En outre :

« Même si une note [au Danger Assessment] n’est pas élevée, mais que cette femme pense que sa vie est en danger, des fois on doit en tenir compte et en bout de ligne, c’est elle l’experte de sa vie et elle connaît son partenaire mieux que tout le monde, alors on prend ça au sérieux. […] Si elle dit ‘vous savez, il va vraiment le faire. Il va le faire’, alors on dit que c’est un risque élevé. »

Thème № 5 : on n’a pas terminé

« Je fais ce travail depuis […] trente-cinq ans maintenant – quand j’ai commencé, je pensais ‘la société, on va arriver  à donner plus de sécurité aux femmes et aux enfants et ils n’auront pas à s’inquiéter d’être battus et violés. » Et nous voilà trente-cinq ans plus tard et on essaie toujours. Il doit bien y avoir un meilleur moyen. […] Ça paraît tellement monumental comme tâche et on a mis tellement d’efforts, tous les bénévoles, tous les employés, tout l’argent du gouvernement et tout ça, et on en est toujours au même point. »

  • De nombreux participants jugent que les services en matière de violence familiale ont beaucoup progressé.
  • Toutefois, nombre d’entre eux ont également souligné qu’il leur semblait que rien ne progressait vraiment (voire régressait dans certains cas, devenant plus complexes).

Ce bref mémoire a offert un aperçu des protocoles de réponse en matière de violence familiale en Nouvelle- Écosse. Il a été rédigé dans l’intention de mieux comprendre les facteurs de risque associés à la violence familiale dans cette province. La formation et le soutien des prestataires de services font, de toute évidence, partie intégrante de l’évaluation et de la réduction de risque.

Ceci est absolument essentiel lorsque se présentent des cas comportant un risque élevé ou des clients vulnérables. Le HRCCP de la Nouvelle-Écosse parvient à faciliter la communication interagences et l’échange d’information dans ces cas.